Non, votre cerveau n’a pas besoin d’un sevrage de dopamine
Je l’avoue. Comme beaucoup de gens, j’ai parfois l’impression que mon téléphone me contrôle plus que je ne le contrôle moi-même. Je me suis déjà retrouvée à scroller sur Instagram sans même savoir pourquoi j’avais ouvert l’application. Et comme beaucoup, j’ai aussi déjà envisagé de tout couper. De faire un jeûne numérique. De m’éloigner des écrans pour donner une pause à mon cerveau.
Mais plus j’y pense, plus cette idée me semble non seulement inefficace, mais aussi fausse. Ce n’est pas en se privant de tout que l’on se sent mieux. Ce n’est pas la dopamine le problème. C’est la manière dont on utilise les écrans, et surtout, ce qu’ils viennent combler dans nos vies.
La fausse promesse du jeûne de dopamine
Ces dernières années, une tendance s’est installée, soit celle du jeûne de dopamine. L’idée est simple, voire séduisante. On affirme que trop de stimulations rendraient notre cerveau paresseux et dépendant. Il suffirait donc de jeûner de toute forme de plaisir, réseaux sociaux, séries, musique, parfois même des interactions sociales , pour réinitialiser son cerveau et retrouver une sorte de clarté mentale.
Je comprends pourquoi ce discours séduit. On vit dans un monde saturé de notifications, de sollicitations et de micro-doses de satisfaction immédiate. Il y a une vraie fatigue, un besoin de décrocher. Mais ce que j’ai appris en creusant un peu le sujet, c’est que cette approche repose en grande partie sur une mauvaise compréhension du fonctionnement du cerveau.
La dopamine n’est pas une drogue
Dans un article publié par l’Agence Science-Presse, les journalistes scientifiques rappellent que la dopamine n’est pas une hormone du plaisir, comme on l’entend souvent. Elle joue un rôle dans la motivation et l’apprentissage, pas dans le plaisir pur. Ce sont les chercheurs Terry Robinson et Kent Berridge qui ont démontré, dans les années 1990, que la dopamine ne déclenche pas la sensation de plaisir mais plutôt l’envie d’aller chercher une récompense. C’est une nuance importante.
Autrement dit, ce n’est pas parce que j’arrête de scoller sur TikTok que mon cerveau va produire moins de dopamine ou que je vais me désintoxiquer. Cette idée du jeûne de dopamine est une simplification abusive. Le neuroscientifique John Salamone allait même plus loin, en expliquant que le concept même n’a pas de sens biologique. La dopamine est impliquée dans des fonctions essentielles comme la mémoire, le mouvement ou la concentration. Tenter d’en réduire la production est non seulement inutile, mais potentiellement risqué.
Ce n’est pas la dopamine qu’il faut réguler, c’est notre rapport aux écrans
Le vrai problème, ce n’est pas la dopamine. C’est la relation que nous entretenons avec les outils numériques. Et sur ce point, il est vrai que nous avons du travail à faire, moi la première! Les écrans sont conçus pour capter notre attention. Les plateformes utilisent des mécaniques de renforcement bien connues (notifications, likes, vidéos en boucle) qui exploitent notre système de motivation. Ce n’est pas un hasard si l’on se retrouve à passer deux heures sur TikTok alors qu’on voulait juste jeter un œil.
Mais faire un jeûne brutal ne règle rien à long terme. Couper les écrans pendant quelques jours peut nous soulager (ou nous donner bonne conscience) mais c’est souvent un pansement temporaire. Dès qu'on se reconnecte, on retombe dans les mêmes habitudes, voire pire, car on se sent en manque.
Repenser plutôt que fuir
Aujourd’hui, je pense qu’il est plus utile de repenser notre utilisation des écrans plutôt que d’essayer de tout éliminer. Cela demande du temps, de l’introspection, parfois même de l’aide extérieure. Mais c’est la seule voie réellement durable.
Cela peut passer par :
Identifier les déclencheurs : Qu’est-ce qui me pousse à prendre mon téléphone ? Ennui? Stress? Fuite émotionnelle?
Créer des rituels de déconnexion réalistes, pas extrêmes : pas de téléphone 30 minutes avant de dormir, ou le matin, par exemple.
Réorganiser les notifications pour que ce soit moi qui choisisse quand je les consulte, pas l’inverse.
Redonner de la valeur aux vraies pauses et aller marcher, lire, dessiner, sans objectif de productivité.
Réapprendre l’ennui : ce n’est pas un ennemi, mais un espace où de vraies idées peuvent naître.
Le bien-être, c’est une relation équilibrée. J’ai compris que le bien-être numérique ne passe pas par la privation, mais par une relation plus consciente et plus équilibrée avec nos outils. Ce n’est pas radical, ni spectaculaire. Mais c’est efficace. Et surtout, cela repose sur une compréhension plus juste de notre fonctionnement mental. Ce n’est pas en diabolisant la dopamine ou en rejetant les écrans qu’on avance. C’est en les utilisant selon nos vrais besoins, tout en s’assurant que les écrans ne prennent pas toute la place!
Référence :
Couillard, K. (2025, 31 mars). Faire un jeûne de dopamine? Impossible. Scientifique en chef du Québec.